Dans un contexte où la capacité des vaccins à empêcher la transmission du virus est encore inconnue, la stratégie de priorisation des vaccinations contre le Sars-CoV-2, qui bénéficiera d'abord aux résidents en Ehpad, repose à ce stade sur le bénéfice individuel pour les personnes vaccinées, selon des responsables de la HAS.
Vous le savez déjà , la Haute autorité de santé (HAS) a publié le 30 novembre une stratégie en 5 étapes de priorisation des vaccinations contre le Covid-19 en France, préconisant pour la phase initiale de
réserver la vaccination aux résidents d'Ehpad et de service de long séjour ainsi qu'aux professionnels y travaillant, s'ils présentent un risque accru de forme grave de Covid-19.
Le même jour, lors d'un point presse en ligne, la présidente du collège de la HAS, Dominique Le Guludec, a considéré que les vaccins représentaient désormais, "avec ce que nous en savons, un vrai espoir de sortir de cette épidémie", "une vraie lueur au bout du tunnel".
Les vaccinations commenceront ainsi "probablement au début de l'année 2021 avec un certain nombre de doses de vaccin", a estimé la présidente de la commission technique des vaccinations (CTV), Elisabeth Bouvet, notant toutefois qu'il n'y avait pas encore de "visibilité sur le nombre de doses dont nous disposerons dans les mois et semaines à venir".
De fait, il est "difficile de donner des dates" quant au déploiement des différentes phases du programme, car cela va être "conditionné par les approvisionnements en vaccins", a complété le vice-président de la CTV, Daniel Floret.
Les responsables ont en outre souligné qu'il y avait un continuum entre les 5 phases, ce qui signifie par exemple que s'il reste des doses disponibles après avoir vacciné dans les Ehpad au cours de la première phase -sachant que la vaccination sera une décision volontaire-, "on procédera alors à la vaccination des personnes non institutionnalisées", c'est-à -dire celles ciblées dans la phase suivante.
A l'inverse, ce n'est pas parce que la deuxième phase est en cours que des personnes ciblées dans la première phase et non vaccinées à cette occasion ne pourront plus l'être.
La question de l'obligation vaccinale pourra être reconsidérée
Evoquant la question de l'acceptabilité par les citoyens, alors que des sondages ont révélé les réticences d'une partie des Français vis-à -vis de la vaccination contre le Sars-CoV-2, Elisabeth Bouvet a déclaré s'attendre à ce que les "attitudes" évoluent "quand on entrera dans le concret". "Là , on est dans le spéculatif, avec beaucoup de fausses informations qui circulent sur les réseaux [sociaux]", a-t-elle pointé.
Rappelant que la HAS ne souhaitait pas à ce stade que la vaccination soit obligatoire, la responsable a fait savoir que l'"on se reposera peut-être la question à la fin de la phase 3, compte tenu de l'acceptabilité de la vaccination, de son efficacité réelle, de ce qui se passera au niveau de l'épidémie, de ce qui se passera dans les hôpitaux et en termes de mortalité".
"Je crois qu'il ne faut pas se priver, éventuellement, d'évoquer la possibilité de s'interroger à nouveau sur l'obligation", a-t-elle poursuivi. "Parce que si on constate à un moment, si on veut mettre fin à cette épidémie, qu'on a besoin d'un taux de vaccination plus élevé, peut-être qu'on y sera résolu."
Les personnes ayant déjà été infectées par le Sars-CoV-2 devraient par ailleurs être "éligibles" à la vaccination, d'autant que cette dernière ne semble pas présenter d'effets délétères dans ces conditions. L'idée est ici de "renforcer l'immunité" vis-à -vis du Covid-19, a indiqué Elisabeth Bouvet, précisant que cette question sera tranchée par la CTV avant l'arrivée des vaccins.
"Les personnes qui ont fait l'infection sont probablement protégées, mais pas toutes de la même manière: probablement que les personnes asymptomatiques sont moins protégées que celles qui ont fait des formes plus sévères", a-t-elle noté. En outre, on ne connaît pas la durée de l'immunité conférée par une infection.
Protéger en priorité les plus vulnérables et ceux qui s'en occupent
Dans un contexte où la capacité des vaccins à empêcher la transmission du virus est encore inconnue, Dominique Le Guludec a noté que le programme de vaccination en 5 phases établi par la HAS présentait un "fil conducteur" qui est "simple": celui de protéger en priorité les plus vulnérables et ceux qui s'en occupent, en tenant compte à la fois de la vulnérabilité personnelle et de l'exposition au virus.
La stratégie actuelle de priorisation repose donc pour l'heure sur le bénéfice individuel. D'ici à la phase 5, qui ne devrait intervenir "qu'après l'été" et au cours de laquelle les personnes de 18-49 ans et sans comorbidité pourraient "commencer à être vaccinées", la HAS espère que des données seront disponibles sur l'efficacité des vaccins contre la transmission virale.
"Il est possible qu'il y ait des vaccins plus adaptés à certaines populations, mais aujourd'hui on ne le sait pas", a noté Dominique Le Guludec. Le plan de vaccination est donc "une anticipation que nous faisons avec les données que nous avons aujourd'hui".
Une revue de la littérature scientifique, et notamment des données françaises collectées par Santé publique France, a permis de définir que l'âge et certaines comorbidités étaient des facteurs de risque de formes graves de Covid-19. S'il est "difficile de fixer un cut-off pour l'âge", "on sait que le risque augmente de manière linéaire à partir de l'âge de 50 ans", a exposé Daniel Floret.
Les comorbidités considérées à ce stade sont l'obésité (indice de masse corporelle -IMC- supérieur à 30), notamment chez les plus jeunes, la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) et l'insuffisance respiratoire, l'hypertension artérielle compliquée, l'insuffisance cardiaque, le diabète de type 1 et de type 2, l'insuffisance rénale chronique, les cancers récents de moins de trois ans, la transplantation d'organe solide ou de cellules souches hématopoïétiques et la trisomie 21.
Ces comorbidités ont été "retenues en premier" dans la mesure où elles font "consensus dans la littérature internationale", mais d'autres pourraient par la suite être "intégrées, au fur et à mesure", a indiqué Daniel Floret.
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