"Coordinateur autonomie" au domicile: un métier émergent encore à cadrer

Crédit: iStock/Dean Mitchell

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Aussi appelés "care managers" ou "conseillers grand âge", ces nouveaux professionnels accompagnent les personnes âgées et leurs aidants en coordonnant sur mesure des services identifiés selon les besoins. Pour mieux se faire connaître et se professionnaliser, ils rassemblent leurs différentes marques en réseau et un diplôme est sur le feu. Eclairages avec Stéphane Petitjean, fondateur d'Expert en autonomie, l'une de ces marques, et Betty Panché, responsable pédagogique de la première promotion visant le diplôme.

Les personnes âgées à domicile et en perte d'autonomie n'ont pas toujours un aidant à proximité immédiate, ou disponible pour les accompagner au mieux.
Pour pallier ce manque, et profitant sans nul doute du "virage domiciliaire" prôné par les pouvoirs publics, un nouveau métier, venu d'Amérique du Nord, a commencé à émerger de manière informelle dans l'Hexagone: "coordinateur autonomie", peut-on lire sur le site internet de certains de ces professionnels, "les coordinateurs autonomie de France" réunis en réseau depuis mai 2022, ont-ils annoncé dans un communiqué au printemps.
Egalement baptisés "care managers" ou "conseillers grand âge", ils visent à "éviter stress, charge mentale, désorganisation, inversion des rôles", en "accompagn[ant] les personnes âgées et dépendantes dans l'organisation de leur quotidien, (santé, administratif, rendez-vous, vie sociale) afin qu'elles puissent rester à domicile, sereinement" et "repousser l'entrée en Ehpad".
"Depuis trois ans, ces 'super-aidants' professionnels s'installent aux quatre coins de la France. Fruit d'initiatives individuelles ou filiales de groupes déjà installés, il ne se passe pas un mois sans qu'un nouveau coordinateur autonomie ne se lance."
Dans ce contexte, la création du réseau vise "à mieux répondre à la demande croissante des personnes en perte d'autonomie et de leurs aidants", "mieux se faire connaître", quadriller tout le territoire et "s'entraider".
A début avril 2022, ce réseau comptait "huit entreprises et 17 villes couvertes" en France, affichent-ils dans leur communiqué.
Les marques présentes sont Autonomia (une filiale de Oui Care, qui se définit comme "le leader des services à la personne"), Bulle d'autonomie, Coordinéo, Expert en autonomie, Emilie Care, Help Autonomie, Quintilis et Senior Coordination.
La force du réseau permet par exemple à une de ces entreprises de renvoyer une personne vers une autre marque présente dans le territoire demandé si elle ne le couvre pas.

Un service non pris en charge par des aides mais déductible des impôts

A Bordeaux Métropole, Stéphane Petitjean, fondateur de l'entreprise Expert en autonomie, seul aux manettes depuis janvier 2020, a indiqué à Gerontonews le 24 août qu'il procédait, à domicile, à une évaluation des besoins des personnes et des familles. Il se voit "comme un chef d'orchestre de toutes les solutions adaptées et personnalisées pour les seniors", les mettant "en relation avec les acteurs qui peuvent apporter la bonne solution par rapport à une situation de perte d'autonomie et à un projet de vie".
Ces acteurs avec qui les coordinateurs font l'interface peuvent être des services à domicile, des entreprises de télé-assistance, d'adaptation du logement, de gestion des animaux ou encore des associations culturelles. Si la perte d'autonomie s'accentue, le coordinateur peut aussi trouver une place en Ehpad.
Interrogé sur la distinction avec la profession de gestionnaire de cas des dispositifs Maia (Méthode d'action pour l'intégration des services d'aide et de soins dans le champ de l'autonomie), il a répondu qu'il s'agissait d'une différence public-privé.
En clair, les services des coordinateurs autonomie sont privés, donc entièrement à la charge de la personne accompagnée.
Pour Stéphane Petitjean, les gestionnaires de cas, "débordés, n'ont pas forcément la même réactivité" et n'apportent pas le même niveau de personnalisation.
Si différentes formules coexistent, voici la sienne: il peut soit facturer un seul service, entre 200 et 600 euros, soit vendre un abonnement. Expert en autonomie en propose trois différents, allant de "vérifier que tout ce qui est mis en place fonctionne" (70 euros par mois) à "couvrir l'évolution éventuelle des besoins" (120 euros par mois) jusqu'à y ajouter le côté "stimulation de la vie sociale et culturelle" (170 euros par mois). Le service est sans engagement, et déductible des impôts. S'y ajoutent les prestations en elles-mêmes, par exemple le taxi pour aller au théâtre ou l'abonnement de téléassistance, payées "en direct" par les bénéficiaires.
Interrogé sur les aides possibles pour payer la coordination, par exemple une partie de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), Stéphane Petitjean a répondu que le réseau avait tenté de trouver des solutions, sans pour l'instant aboutir car le métier "n'est pas reconnu par les instances publiques et territoriales".

Vers un diplôme "de niveau bac +4/5" pour des gens déjà familiers du secteur

Une absence de reconnaissance qui touche aussi la question des compétences de ces "coordinateurs autonomie".
Lui-même ex-directeur d'Ehpad et ex-DRH au sein du groupe commercial Emera, le fondateur d'Expert en autonomie reconnaît que le métier n'est pas réglementé et que n'importe qui peut se lancer.
Il a opéré cette reconversion professionnelle car il était las de "rester derrière son ordinateur", souhaitait être "vraiment utile aux seniors" et disposait du fait de son expérience d'un bon réseau local.
Stéphane Petitjean estime le nombre de ces professionnels à "une trentaine" en France, sachant que certains créent leur entreprise et disparaissent rapidement par manque d'expertise.
Pour professionnaliser le métier, "un diplôme de 'coordinateur autonomie - conseiller grand âge' est en cours de création", cofondé par Askoria, un centre de formation spécialisé dans les métiers de l'intervention sociale et l'Académie des services à la personne (Asap), précise le réseau dans son communiqué. L'Asap "est un organisme de formation intégré au groupe Oui Care", peut-on lire sur son site internet.
"Ce diplôme, titre RNCP [Répertoire national des certifications professionnelles], aura un niveau bac +4/5 et sera proposé aux personnes issues de formations médico-sociales, médicales ou paramédicales", assure-t-il.
Contactée par Gerontonews le 25 août, Betty Panché, la responsable pédagogique, a précisé que cette formation était aussi ouverte aux demandeurs d'emploi (issus de l'univers sanitaire et social).
"Actuellement, 12 personnes sont inscrites au total, dont huit sont déjà en poste comme conseiller grand âge chez Autonomia", a-t-elle expliqué.
La date de rentrée, initialement prévue en septembre, a été repoussée en décembre 2022. "Les participants ont demandé à décaler en raison d'une augmentation de leur activité ces dernières semaines. Par ailleurs, les dossiers des demandeurs d'emploi sont toujours à l'étude", a développé Betty Panché.
La formation se déroule sur "707 heures, dont 175 heures en immersion sur le terrain professionnel".
Une deuxième promotion est envisagée "au premier trimestre 2023", a ajouté la responsable pédagogique.
Claire Beziau et Sophie Martos
cbe-sm/nc

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